Les parties prenantes de la lutte contre le gaspillage alimentaire en restauration collective sont nombreuses. Pour s’inscrire dans cette dynamique, il faudra agir à trois niveaux : la production et les menus, le service et la distribution et enfin la consommation. En ce sens, l’implication des équipes de cuisine et l’accompagnement des convives jouent un rôle décisif dans l’atteinte de l’objectif « zéro gaspillage ».
Le chef « pédagogue » plutôt que le chef qui impose
Le chef qui aspire à fédérer ses équipes vers l’objectif commun de la réduction du gaspillage alimentaire en cuisine devra d’abord remplir son rôle pédagogique. En effet, comment impliquer et motiver sa cuisine pour juguler les déperditions sans en comprendre les enjeux et les retombées ? L’objectif ici n’est pas de diaboliser le déchet, car il est inévitable. Il est important que les équipes soient conscientes du caractère inévitable de certains déchets comme les épluchures de banane, la peau du melon, les coquilles d’œuf, les os, etc. Elles pourront ainsi concentrer leurs efforts sur les déchets « potentiellement évitables » (peau de pommes de terre, fanes de carotte, croûtes de fromage) et les déchets évitables, voire consommables (restes de plats et de pain). Ce sont ces derniers qui constituent le véritable gaspillage alimentaire en cuisine. Les maîtriser, c’est tendre vers le « zéro gaspillage ».
Dans le cadre de la loi EGalim, adoptée en 2018, les établissements de restauration collective sont tenus de réduire le gaspillage alimentaire de manière significative. Cette loi encourage la mise en place de mesures concrètes pour limiter les pertes à chaque étape de la chaîne alimentaire, de l’approvisionnement à la gestion des surplus. Les formations et échanges entre équipes permettent d’adopter les bonnes pratiques et de maximiser l’utilisation des ressources.
De plus, il est interdit de rendre impropres à la consommation les excédents alimentaires encore consommables. Pour les services préparant plus de 3 000 repas par jour, ces derniers doivent proposer à une association habilitée de l’action sociale et des familles une convention de dons afin de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Les établissements qui relèvent des fonctions publiques territoriale et hospitalière, comme le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) et l’Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier (ANFH), proposent des formations liées à la restauration collective et axées sur le thème du gaspillage alimentaire. Ces programmes prennent en compte les contraintes de l’activité et se déroulent le plus souvent sur deux journées ou moins. Aux formations individuelles s’ajoutent les groupes d’échange et les outils collaboratifs pour le partage des expériences, des idées, des difficultés et des bonnes pratiques entre les équipes des structures de restauration collective.
Prise de conscience, responsabilisation, action et récompense
Au cours des dernières années, de nombreuses réglementations se sont développées en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Dans la loi AGEC (2020), la France s’est engagée à réduire de moitié le gaspillage alimentaire par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale. Pour les secteurs de la restauration collective et de la distribution, ces objectifs sont fixés d’ici 2025 et pour l’ensemble des autres secteurs d’ici 2030. Depuis la loi Garot (2016) qui s’étend à la restauration collective publique, plusieurs lois constituent l’arsenal législatif pour l’ensemble des acteurs. En 2020, la loi AGEC propose la mise en place d’un label anti-gaspillage alimentaire qui permet de valoriser tous les acteurs qui contribuent à l’atteinte des objectifs nationaux de réduction. Ce label est disponible pour le secteur de la distribution (grandes et moyennes surfaces, grossistes et métiers de bouche), ainsi que pour celui de la restauration (restauration collective et commerciale). Enfin, concernant la restauration collective, une obligation de réalisation de diagnostic est en place depuis 2020 (loi EGALIM, 2018). Dans ce contexte, il est indispensable d’accompagner ses équipes pour faire les bons choix.
Lorsqu’il est question d’introduire la nouveauté en cuisine, le facteur clé de succès reste la coopération et l’adhésion de l’équipe.
L’implication des équipes dans la lutte contre le gaspillage alimentaire commence par une prise de conscience collective. Les chefs doivent organiser des sessions de sensibilisation, en partageant des données concrètes issues de l’analyse des déchets pour illustrer l’impact écologique et financier du gaspillage. Utiliser des exemples concrets, comme les 10 millions de tonnes de nourriture jetées chaque année en France, permet de rendre ces enjeux plus tangibles.
La responsabilisation de chaque membre de l’équipe est primordiale. Chaque employé doit comprendre son rôle spécifique dans la réduction du gaspillage : les cuisiniers peuvent ajuster les quantités préparées, tandis que le personnel de service peut contrôler les portions servies aux convives. L’utilisation d’outils tels que des indicateurs de suivi ou des feuilles de contrôle pour les stocks et les portions permet de mieux gérer les excédents. Quelle que soit la manière avec laquelle vous mesurerez le gaspillage (pesée des restes, occurrence du jetage en cuisine, denrées présentées au convive et jetées…), assurez-vous de définir des objectifs réalistes et suffisamment ambitieux en concertation avec vos équipes. Il est très important de définir ce qu’est le succès. Ne visez pas simplement de « réduire le gaspillage », mais plutôt de le « réduire de 10% sur 10 jours » par exemple.
L’action se traduit par des initiatives concrètes : mise en place de partenariats avec des associations pour redistribuer les excédents, revalorisation des restes alimentaires en créant des plats innovants, ou introduction des « paniers anti-gaspi » pour offrir aux convives la possibilité d’emporter des restes non servis. Ces pratiques doivent être soutenues par des formations continues qui renforcent les compétences des équipes en matière de gestion des excédents et de sécurité alimentaire.
Enfin, la récompense joue un rôle clé dans la motivation des équipes. Les progrès peuvent être suivis et affichés publiquement, ce qui valorise l’engagement de chacun. Organiser des compétitions amicales entre équipes ou offrir des incitations pour les meilleures idées de réduction du gaspillage permet de maintenir un esprit positif et collectif autour de cet enjeu crucial. Partagez les succès engrangés et expliquez les conséquences positives des mesures entreprises pour donner du sens à la lutte contre le gaspillage alimentaire en cuisine. Montrez que les efforts entrepris ont débouché sur quelque chose de tangible. La valorisation du travail des équipes de cuisine est également un moyen de les impliquer dans la prévention du gaspillage. L’affichage du menu est l’occasion d’expliciter les apports des cuisiniers. Vous pouvez par exemple apposer des commentaires devant chaque plat pour en expliquer la genèse : « pommes de terre livrées à 6h ce matin, épluchées et lavées à 7h30, dégustées à midi… ».
Accompagner les convives pour mieux répondre à leurs besoins
Pour agir sur le gaspillage issu des restes dans l’assiette, le chef doit piloter une démarche itérative qui consiste à analyser les goûts des convives et à les faire participer à la création des menus. Expliquer les composantes d’un menu équilibré et les origines des matières premières, passer plus de temps à échanger avec les convives et être réceptif aux indicateurs de satisfaction participent à l’amélioration de l’offre et, par construction, à la réduction du gaspillage. Le chef peut mettre en place un système simple d’analyse de la consommation quotidienne pour identifier les mets et les aliments les moins plébiscités.