30/05/2022

Dark Kitchen : genèse, atouts et impact sur la restauration traditionnelle

Cloud Kitchen, Ghost Kitchen, Dark Kitchen… ces qualificatifs plus ou moins inspirés désignent le même concept : un restaurant amputé de la partie « service » qui se limite à un local de cuisine d’où sortent des plats exclusivement destinés à la livraison (ou à la vente à emporter). Ce concept américain fusionne les business models des « Pure Players » (entreprises sans local commercial) et des cuisines centralisées pour capitaliser sur l’essor des plateformes de livraison et le recul du restaurant expérientiel.

A l’origine des Dark Kitchens… une fraude grossière

On retrouve la première occurrence de l’expression « Ghost Kitchen » dans un article du journal NBC New York publié en 2015. Le terme qualifiait alors une tendance frauduleuse épinglée par des enquêteurs : certains propriétaires de grands restaurants de la ville référençaient leurs établissements sous plusieurs noms différents sur les applications de livraison à domicile pour gagner en visibilité. Certains noms cachaient en réalité de simples cuisines délocalisées, sans salle, sans service et sans raison sociale. Ces cuisines n’étaient jamais contrôlées par les services d’hygiène et n’avaient pas d’agrément. Cette découverte, fortement médiatisée, marquera le durcissement des contrôles et de la responsabilité juridique des applications de livraison outre-Atlantique.

Cette fraude grossière a toutefois donné des idées aux entrepreneurs américains, qui mettront en place la déclinaison « légale » de ce business model. La Ghost, Dark ou Cloud Kitchen est désormais une installation professionnelle de préparation de repas à livrer ou à emporter (via Drive). Deux modèles coexistent aujourd’hui :

  • La Dark Kitchen « brandée », qui dispose d’une marque propre sous laquelle elle commercialise ses plats à travers un service de livraison propre ou via une agrégateur ;
  • La Dark Kitchen « partagée », qui contient un espace de cuisine et des installations utilisés par un ou plusieurs restaurant(s) établis pour soulager leur cuisine.

Baisse du coût de revient et analyse de la Data : un duo gagnant

Plusieurs facteurs expliquent l’essor des Dark Kitchens. Ce concept réduit les « barrières à l’entrée » dans le secteur de la RHD, dans la mesure où l’investissement de départ est revu à la baisse : les locaux sont plus petits, il n’y a pas vraiment d’enjeu de visibilité du local commercial, économies sur le mobilier, la vaisselle, la plonge, le personnel et la gestion du personnel du fait de l’absence de service sur place, etc. Les locaux sont aménagés pour optimiser les délais et le temps de fabrication des plats, le plus souvent grâce à des technologies et des process inspirés des géants du Fast Food.

Avec un coût de revient significativement inférieur au restaurant à table, les Dark Kitchens sont compétitives et peuvent afficher une marge commerciale intéressante. Autre avantage majeur dans un contexte de digitalisation : les Dark Kitchens peuvent collecter, trier, analyser et interpréter les données clients pour rationaliser la prise de décision en fonction des préférences et des grandes tendances de la cible (composition des menus, prix, temps de livraison et de préparation, etc.).

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Les Dark Kitchens dans l’Hexagone : quelle performance au pays de la gastronomie ?

En France, de nombreux restaurants se sont transformés (de facto) en Dark Kitchens pour limiter les dégâts en 2020 et 2021. Ce premier contact avec le concept donnera-t-il des idées aux patrons de restaurants ? Peut-être, mais pour l’heure, la Dark Kitchen à proprement parler n’en est qu’à ses premiers balbutiements en France. « C’est très nouveau, et encore petit à l’échelle du marché », résume François Blouin, fondateur du cabinet de conseil Food Service Vision, dans une interview accordée à Business Insider France. Selon le cabinet, l’Hexagone compterait aujourd’hui 400 Dark Kitchens, « essentiellement à Paris, mais aussi dans les grandes villes comme Bordeaux, Lille, Lyon ou Marseille où elles se développent fortement », explique François Blouin.

Dark Kitchen… une menace pour le restaurant traditionnel ?

La Dark Kitchen ne formule pas la même promesse que le restaurant à table. Il s’agit d’une restauration de nécessité, d’un business de commodité qui se positionne sur le rapide et le pratique plutôt que l’expérientiel. La Dark Kitchen n’est donc pas en concurrence frontale avec le restaurant… mais elle vient densifier le produit de substitution proposé par les agrégateurs qui font de la livraison à domicile. Ces derniers poussent les restaurants à repenser leur offre et leur organisation pour s’aligner avec les nouvelles habitudes alimentaires : proposer des plats qui voyagent bien, qui se préparent bien et qui restent rentables après déduction de la commission des plateformes de livraison ou des frais de transport.

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