La question du bien-être animal s’est durablement installée dans le débat public, dans la foulée de l’émergence du Consom’acteur et de la médiatisation d’images chocs montrant des conditions d’élevage insoutenables. Aujourd’hui, trois quarts des Français attendent « des mesures supplémentaires » en faveur du bien-être des animaux d’élevage. Décryptage…
La législation du bien-être animal : une approche essentiellement symbolique
Sur le plan philosophique, la notion de bien-être animal (BEA) a été évoquée dès l’Antiquité dans les écrits d’Aristote et de Plutarque, avant de s’éclipser à la faveur d’une approche de l’animal « minerai » dans un contexte d’agriculture vivrière avec un enjeu de survie. Il faudra attendre le début des années 1960 pour voir le BEA revenir timidement sur les devants de la scène, avec l’émergence d’une pensée dite « anthropomorphiste » qui attribue aux animaux des réactions et des sentiments comparables à ceux de l’Homme. Cette dynamique se traduira par plusieurs temps forts juridiques :
- La loi du 19 novembre 1963 qui étend le délit d’acte de cruauté envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité.
- La France ratifie la Convention européenne sur la protection des animaux en transport international en 1974. La notion de BEA est expressément citée, puisque les pays signataires s’engagent à « assurer le bien-être des animaux transportés ».
- La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature définit l’animal comme « un être sensible qui doit être entretenu dans les conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». L’animal n’est plus une « chose » au regard de la loi.
- Cette perception est consolidée par le nouveau Code pénal de 1992 qui ne fait plus figurer les infractions contre les animaux dans le chapitre réservé aux infractions contre les biens.
- En 2015, le Code civil s’aligne (enfin) sur le Code pénal et le Code rural et reconnaît aux animaux la qualité symbolique d’ « êtres vivants doués de sensibilité ». Symboliquement seulement, car les animaux restent de facto soumis au régime des biens corporels.
Parce qu’elle s’inscrit à l’intersection de plusieurs champs d’étude, de l’anthropologie à la médecine vétérinaire, la notion de BEA n’admet pas forcément une définition formelle et normalisée sur le plan philosophique. A l’échelle supranationale, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) propose une définition fonctionnelle du périmètre du BEA en cinq points :
- Absence de faim, de soif et de malnutrition
- Absence de peur et de détresse ;
- Absence de stress physique ou thermique ;
- Absence de douleur ou de maladie ;
- Possibilité d’exprimer les comportements normaux de l’espèce.
Aujourd’hui, le ministère de l’Agriculture reprend la note de l’ANSES qui définit le BEA comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction des besoins physiologiques et comportements de l’animal ainsi que ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ».
Bien-être animal dans les élevages : quel coût ?
La question du coût du bien-être animal dans les élevages nécessite un effort de contextualisation. Sur un plan strictement comptable, la prise en compte du BEA dans les élevages coûte forcément plus cher que le statut quo. Sur ce prisme pragmatique, la logique voudrait que le surcoût du BEA dans les élevages soit répercuté sur la juste rémunération des agriculteurs. « Les agriculteurs, les éleveurs, en donnant cette reconnaissance au vivant, doivent en vivre ! », souligne pertinemment Christophe Couroussé du Groupe Terrena.
D’un autre côté, et en vertu de la loi de l’offre et de la demandé, des produits alimentaires issus d’élevages irrespectueux du BEA auront de moins en moins de débouchés dans un contexte de prise de conscience du grand public. D’un autre côté, les pouvoirs publics devraient en toute logique suivre l’opinion publique et sanctionner de plus en plus fortement les élevages faisant preuve de cruauté animale dans un avenir proche. In fine, il y a bien un coût de non bien-être animal.
Cocotine : s’engager ensemble pour le bien-être animal
Pour Abdu Gnaba, anthropologue, philosophe et docteur en sciences comportementales, « dénier la dimension symbolique de notre rapport aux êtres vivants domestiqués ou sauvages, c’est renier notre humanité ». Et à ce niveau, l’attente des Français est forte. Par exemple, 83 % d’entre eux souhaitent que les établissements de restauration hors domicile cessent de servir des œufs de poules en cage dans leurs menus (Ifop pour Welfarm, 2019).
C’est pourquoi Cocotine, la marque de produits élaborés d’œufs de la coopérative Eureden, s’est engagée en 2017 à arrêter l’élevage des poules en cage. La gamme code 2 « poules au sol mieux-être animal » constitue une étape de transition approuvée par les acteurs de la restauration et soutenue par des associations œuvrant pour le bien-être animal et les convives (voir ici notre plaquette Cocotine – Mieux-être animal). Elle vient répondre à une double problématique :
- Apporter cette « accessibilité prix » attendue dans la restauration pour s’aligner avec les attentes des convives ;
- Déployer de manière concrète des conditions de vie améliorées pour les poules.
« Compte tenu de la durée des cycles de ponte et des travaux à faire sur les poulaillers, nous aurons besoin de 18 à 24 mois d’anticipation mais aussi d’engagements sur la durée afin de sécuriser nos agriculteurs qui doivent s’engager sur des investissements pour les 15 prochaines années », conclut Nicolas Gérald, Directeur commercial et marketing d’aucy foodservice.